des méthodes de calcul diverses et confidentielles
Une méthode publiquement connue et acceptée par les praticiens plutôt que des méthodes de calcul diverses et confidentielles
Les méthodes de calcul employées jusqu’à récemment pour fixer le montant de la prestation compensatoire étaient diverses et confidentielles. La situation actuelle n’est pas satisfaisante. Dominique Vailly, en 2004, a interrogé les avocats de son ressort judiciaire pour répertorier les méthodes utilisées par « leurs juges ». La simulation que nous avons réalisé à partir d’un cas type montre la grande variabilité des résultats (de 1 à 20!) et illustre tous les inconvénients de cet état de fait : méthodes confidentielles, non connues par les parties, disparité des méthodes et des résultats, méthodes reposant sur des règles critiquables.
Une pratique judiciaire marquée par la pluralité et la confidentialité des méthodes de calcul utilisées
Le code civil énumère de manière précise les critères selon lesquels doit être mesurée la disparité de situation entre les époux au moment du divorce, tandis que la cour de cassation veille à la bonne application de la loi et la motivation de la décision.
Cependant, pour déterminer le montant de la prestation compensatoire qui sera accordée au bout de ce processus, les praticiens du droit ne disposaient d’aucun barème, ni règle de calcul. Il en résulte une certaine imprévisibilité de la décision, l’hétérogénéité des jurisprudences, l’incertitude quant au montant de la prestation qui sera en fin de compte décidée.
Pour y palier, les praticiens utilisent divers expédients, sous formes de méthodes de calcul plus ou moins simplistes ou sophistiquées. Cette situation engendre deux inconvénients majeurs : la confidentialité des méthodes, leur multiplicité. Ces méthodes sont confidentielles : elles font rarement l’objet de publication, elle ne peuvent être discutées et critiquées, elles sont rarement connues des parties au procès et des avocats. Ces méthodes sont multiples : elles émanent d’initiatives individuelles de magistrats, notaires, experts, avocats ; une incertitude existe quant à la méthode qui sera employée par le juge, le cas échéant, ce qui place les parties et leurs avocats dans une position délicate.
Suite à la consultation lancée auprès des cabinets d’avocats du ressort de la cour d’appel d’Agen, dans le cadre de l’étude de faisabilité sur l’instauration d’un barème pour les pensions alimentaires et les prestations compensatoires, Dominique Vaillly a, dans un article paru dans la revue Dalloz Actualités Juridiques Famille, cité douze méthodes attribuées par les avocats à certains juges aux affaires familiales, tout en précisant que la majeure partie des avocats subodorent que les juges n’adoptent aucune méthode repérable. Nous reproduisons ici onze de ces méthodes, à laquelle nous ajouterons la méthode de Dominique Martin Saint-Léon, premier magistrat à avoir appliqué la méthodologie multi-critères à l’élaboration d’une méthode qui a connu une certaine diffusion il y a quelques années, y compris grâce à l’école nationale de la magistrature.
liste non exhaustive de quelques unes des méthodes de calcul utilisées
1) capitalisation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours: PA X 12 * coût d’un euro de rente
2) sommation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur une période forfaitaire de 8 ans : PA x 12 x 8
3) sommation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur une période forfaitaire de 5 ans : PA x 12 x 5
4) sommation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur une période équivalent à la moitié de la durée du mariage : PA x 12 x moitié de la durée du mariage
5) différence mensuelle des revenus du couple multiplié par le nombre d’années jusqu’à la retraite du créancier : (revenus mensuel du mari – revenu mensuel de l’épouse) x nombre d’années d’activité du créancier restant à courir avant l’ouverture des droits à la retraite
6) différence annuelle de revenus dans le couple multiplié par le nombre d’années de mariage : (revenus mensuel du mari – revenu mensuel de l’épouse) x 12 x nombre d’années du mariage
7) soixante pour cent du dernier salaire net du débiteur multiplié par le nombre d’années de mariage : ( dernier salaire net du débiteur x 60%) x nombre d’années de mariage
8) différence de salaire net annuel multiplié par deux fois le nombre d’années de mariage : (revenus mensuel du mari – revenu mensuel de l’épouse) x 12 x nombre d’années de mariage x 2
9) au cas où le créancier n’a jamais travaillé : somme forfaitaire correspondant à la moitié du smic mensuel x 12 x nombre d’années du mariage :
10) au cas où le créancier n’a pas de ressources : une année de revenus nets du débiteur : revenu mensuel du débiteur x 12
11) le tiers de la différence de revenus des époux multiplié par la moitié de la durée du mariage augmentée de deux années par enfant : (revenu mensuel du débiteur de la prestation – revenu mensuel du créancier) x 1/3 ) x 12 x ( Nombre d’années du mariage /2) + (Nombre d’enfant x 2) )
12) méthode proposée par Martin Saint-Léon : calcul du différentiel de revenu disponible (revenu mensuel du débiteur de la prestation – charges fixes du débiteur) – (revenu mensuel du créancier de la prestation – charges fixes du créancier) x (Nombre de points proportionnels à l’âge du créancier selon un tableau préétabli x Nombre de points proportionnels au nombre d’années du mariage selon un tableau préétabli).
Application des méthodes répertoriées à un cas type
Montant de la prestation compensatoire calculé à partir d’un cas d’école suivant les méthodes attribuées aux juges aux affaires familiales selon les avocats interrogés dans le cadre de la consultation lancée fin 2004 dans le cadre de la mission Droit et Justice chargée par le Ministère de la Justice d’étudier la faisabilité de l’adoption d’un barème (source : Dominique Vaillly, Actualités juridique Famille, Dalloz, 2005, p.86,)
Prenons le cas type suivant :
Mari, 45 ans, Revenu mensuel net imposable = 2 000 €, charges =1 000 €
Epouse, 43 ans, Revenu mensuel net imposable =1 000 €, charges =1 000 €, n’a pas travaillé pendant 2 ans au cours du mariage, puis a travaillé à mi-temps pendant 2 ans
Durée du mariage 20 ans, 2 enfants dont un mineur, résidence habituelle chez la mère
Ordonnance de non conciliation : pension alimentaire de 350 €
Patrimoine : un bien immobilier commun estimé à 350 000 €
1) capitalisation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours: 350 € X 12 = 4 200 € * coût d’un euro de rente = 19,799 = 83 156 €
2) sommation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur une période forfaitaire de 8 ans : 350 x 12 x 8 = 33 600 €
3) sommation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur une période forfaitaire de 5 ans : 350 x 12 x 5 = 21 000 €
4) sommation de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur une période équivalent à la moitié de la durée du mariage : 350 x 12 x 20 / 2 = 42 000 €
5) différence mensuelle des revenus du couple multiplié par le nombre d’années jusqu’à la retraite du créancier : (2 000 € – 1000 €) x 22 = 24 000 €
6) différence annuelle de revenus dans le couple multiplié par le nombre d’années de mariage : (2 000 € – 1 000 €) x 12 x 20 = 240 000 €
7) soixante pour cent du dernier salaire net du débiteur multiplié par le nombre d’années de mariage : (2 000 € x 60 / 100) x 20 = 24 000 €
8) différence de salaire net annuel multiplié par deux fois le nombre d’années de mariage : 12 000 € x 2 x 20 = 480 000 €
9) au cas où le créancier n’a jamais travaillé : 600 € x 12 x nombre d’années du mariage : sans application dans notre exemple ; si dans notre exemple l’épouse n’avait pas travaillé : 600 € x 12 x 20 = 144 000 €
10) au cas où le créancier n’a pas de ressources : une année de revenus nets du débiteur : 2 000 x 12 = 24 000 €
11) le tiers de la différence de revenus des époux multiplié par la moitié de la durée du mariage augmentée de deux années par enfant : ( (2000 € – 1000 €) x 1/3 ) x 12 x ( (20/2) + (2 x 2) )
= 55 944 €
12) méthode proposée par Martin Saint-Léon : calcul du différentiel de revenu disponible (2 000 – 1 000) – (1000 – 1000) = 1000 € x (4 points en fonction de l’âge du créancier x 15 points en fonction de la durée du mariage) = 1 000 x 60 = 60 000 €
Conclusion : il faut tendre à une méthode de calcul publiquement connue qui constitue une référence indicative pour les praticiens
Plutôt qu’une pluralité de méthodes plus ou moins confidentielles, il faudrait tendre vers l’adoption d’une méthode connue de tous et largement diffusée, potentiellement utilisable par tous les praticiens du droit. Une telle méthode n’aurait pas le statut de barème impératif, ni même de barème à valeur de présomption, tout juste une méthode indicative, laissée à la libre appréciation des parties (lire sur ce point l’article barème indicatif ou impératif ou à valeure de présomption.
Contrairement aux contributions aux frais d’éducation et d’entretien pour lesquelles la loi énumère un nombre limité de critères (les ressources de chaque parent, les besoins de l’enfant), ce qui permet l’élaboration de tables promotionnelles, l’appréciation de la disparité existant dans la situation des époux au moment du divorce et dans un avenir prévisible, nécessite une approche multi-critères, difficilement réductible dans une table de proportionnalité.
Le grand nombre de critères légaux de disparité à prendre en compte sont trop nombreux pour permettre d’élaborer un barème, d’autant plus que l’article 279 du code civil énumère des éléments de nature et de grandeurs diverses, certains quantifiables objectivement et d’autres essentiellement subjectifs ou personnels. Ce sont ces constats qui ont conduit un groupe de travail composé de magistrats et avocats du ressort de la cour d’appel de Toulouse a mettre en œuvre la méthodologie multi-critères pour élaborer une méthode d’aide au calcul, à valeur indicative, sur la base des critères définis par la loi et la jurisprudence, en optant pour des pondérations et coefficients adoptés de manière empirique, au cours d’une démarche participative. Cette méthode a vocation a être connue publiquement et utilisée librement, en remplacement des méthodes de calcul utilisées confidentiellement, afin d’aboutir à des préconisations les plus proches possibles des pratiques judiciaires actuelles.
PilotePC un outil pour aider à calculer le montant de la prestation compensatoire