09 Déc

la prestation compensatoire selon le code civil

LA PRESTATION COMPENSATOIRE SELON LE CODE CIVIL

Articles 270 à 281 du code civil

Article 270

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.

Article 271

Modifié par LOI n°2010-1330 du 9 novembre 2010 – art. 101

La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Article 272

Modifié par Loi n°2005-102 du 11 février 2005 – art. 15 JORF 12 février 2005

Dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d’un handicap. (Ce second alinéa de l’article, qui avait fait l’objet de nombreuses jurisprudences restrictives de la cour de cassation, a été déclarée inconstitutionnelle par décision du Conseil Constitutionnel le 2 juin 2014)

Article 274

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation.

NOTA:

Dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011 (NOR : CSCX1119558S), le Conseil constitutionnel a déclaré, sous la réserve énoncée au considérant 8, le 2° de l’article 274 du code civil conforme à la Constitution. (cf. en fin de page)

Article 275

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 6 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé.

Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d’une demande en paiement du solde du capital indexé.

Article 275-1

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Les modalités de versement prévues au premier alinéa de l’article 275 ne sont pas exclusives du versement d’une partie du capital dans les formes prévues par l’article 274.

Article 276

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271.

Le montant de la rente peut être minoré, lorsque les circonstances l’imposent, par l’attribution d’une fraction en capital parmi les formes prévues à l’article 274.

Article 276-1

Modifié par Loi n°2000-596 du 30 juin 2000 – art. 8 JORF 1er juillet 2000

La rente est indexée ; l’indice est déterminé comme en matière de pension alimentaire.

Le montant de la rente avant indexation est fixé de façon uniforme pour toute sa durée ou peut varier par périodes successives suivant l’évolution probable des ressources et des besoins.

Article 276-3

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 22 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 23 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties.

La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge.

Article 276-4

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.

Le créancier de la prestation compensatoire peut former la même demande s’il établit qu’une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial.

Les modalités d’exécution prévues aux articles 274, 275 et 275-1 sont applicables. Le refus du juge de substituer un capital à tout ou partie de la rente doit être spécialement motivé.

Article 277

Modifié par Loi n°2000-596 du 30 juin 2000 – art. 12 JORF 1er juillet 2000

Indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital.

Article 278

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 22 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

En cas de divorce par consentement mutuel, les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention qu’ils soumettent à l’homologation du juge. Ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d’un événement déterminé. La prestation peut prendre la forme d’une rente attribuée pour une durée limitée.

Le juge, toutefois, refuse d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.

Article 279

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 22 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

La convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice.

Elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre des époux, également soumise à homologation.

Les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire. Les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Sauf disposition particulière de la convention, les articles 280 à 280-2 sont applicables.

Article 279-1

Créé par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Lorsqu’en application de l’article 268, les époux soumettent à l’homologation du juge une convention relative à la prestation compensatoire, les dispositions des articles 278 et 279 sont applicables.

Article 280

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

A la mort de l’époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n’y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l’actif successoral et, en cas d’insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument, sous réserve de l’application de l’article 927.

Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme d’un capital payable dans les conditions de l’article 275, le solde de ce capital indexé devient immédiatement exigible.

Lorsqu’elle a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.

Article 280-1

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 18 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Par dérogation à l’article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation. A peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.

Lorsque les modalités de règlement de la prestation compensatoire ont été maintenues, les actions prévues au deuxième alinéa de l’article 275 et aux articles 276-3 et 276-4, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère, sont ouvertes aux héritiers du débiteur. Ceux-ci peuvent également se libérer à tout moment du solde du capital indexé lorsque la prestation compensatoire prend la forme prévue au premier alinéa de l’article 275.

Article 280-2

Créé par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 22 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Créé par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 6 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Les pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit du montant de la prestation compensatoire, lorsque celle-ci, au jour du décès, prenait la forme d’une rente. Si les héritiers usent de la faculté prévue à l’article 280-1 et sauf décision contraire du juge, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit ou subit une variation de son droit à pension de réversion.

Article 281

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 22 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Modifié par Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 – art. 6 JORF 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Les transferts et abandons prévus au présent paragraphe sont, quelles que soient leurs modalités de versement, considérés comme participant du régime matrimonial. Ils ne sont pas assimilés à des donations.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 mai 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 552 du 17 mai 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Jacques C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l’article 274 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 juin 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, et par Me Muriel Gestas, avocat au barreau de Draguignan, enregistrées le 23 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Rousseau, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 28 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l’article 274 du code civil détermine les modalités selon lesquelles le juge aux affaires familiales peut décider que la prestation compensatoire en capital s’exécutera ; que son 2° prévoit une « attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles permettent au juge d’attribuer de manière forcée un bien, propriété d’un débiteur condamné à payer une prestation compensatoire ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ;
4. Considérant qu’il appartient au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre le paiement des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés ; que l’exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ;
5. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 270 du code civil la prestation compensatoire est « destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » ; que l’article 271 prévoit que cette prestation est fixée par le juge selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre ; que l’attribution, décidée par le juge du divorce, d’un bien dont un époux est propriétaire a pour objet d’assurer le paiement de la dette dont il est débiteur au profit de son conjoint au titre de la prestation compensatoire ; qu’elle constitue une modalité de paiement d’une obligation judiciairement constatée ; qu’il en résulte que, si l’attribution forcée d’un bien à titre de prestation compensatoire conduit à ce que l’époux débiteur soit privé de la propriété de ce bien, elle n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, que, d’une part, en permettant l’attribution forcée prévue par le 2° de l’article 274, le législateur a entendu faciliter la constitution d’un capital, afin de régler les effets pécuniaires du divorce au moment de son prononcé ; que le législateur a également entendu assurer le versement de la prestation compensatoire ; que l’objectif poursuivi de garantir la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorisée et de limiter, autant que possible, les difficultés et les contentieux postérieurs au prononcé du divorce constitue un motif d’intérêt général ;
7. Considérant que, d’autre part, l’attribution forcée est ordonnée par le juge qui fixe le montant de la prestation compensatoire ; que les parties ont la possibilité de débattre contradictoirement devant ce juge de la valeur du bien attribué ; qu’en vertu de la seconde phrase du 2° de l’article 274 du code civil l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation ;
8. Considérant, toutefois, que le 1° de l’article 274 du code civil prévoit également que la prestation compensatoire en capital peut être exécutée sous forme de versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution de garanties ; que l’atteinte au droit de propriété qui résulte de l’attribution forcée prévue par le 2° de cet article ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d’intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l’espèce, les modalités prévues au 1° n’apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ; que, sous cette réserve, l’attribution forcée d’un bien à titre de prestation compensatoire ne méconnaît pas l’article 2 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que le 2° de l’article 274 du code civil n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

décide

Article 1

Sous la réserve énoncée au considérant 8, le 2° de l’article 274 du code civil est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Les articles 270 à 281 du code civil sont insérés au Livre 1er : Des personnes, Titre VI : Du divorce, Chapitre III : Des conséquences du divorce, Section 2 : des conséquences du divorce pour les époux, Paragraphe 3 : Des prestations compensatoires.

09 Déc

PilotePC et la méthodologie d’aide à la décision multi-critères

publication gazette du palais

un outil collaboratif fondé sur la méthodologie des décisions multicritères

PilotePC une aide au calcul fondée sur la méthodologie multi-critères

Il n’existe aucun procédé mathématique pour mesurer la disparité de situation causée par le divorce au sein d’un couple, ni aucun moyen scientifique pour calculer exactement le juste montant de la compensation. Cette mesure et ce calcul relèvent de l’appréciation des juges, au cas par cas, ainsi que des avocats qui formalisent les demandes et offres des parties et des époux eux-même qui expriment ou non une demande chiffrée en la matière. C’est pourquoi, nous avons opté pour une méthode participative et collaborative, basée sur les jurisprudences et le savoir faire des praticiens du droit.

Nous savions qu’aucun barème ne pourrait être élaboré, le nombre de critères à prendre en compte étant trop important pour être modélisé par un barème : aux nombreux critères légaux, s’ajoutent les critères jurisprudentiels ; ils varient en importance ; ils ne peuvent être ni simplement additionnés ni même seulement multipliés, car ils sont de divers ordres, qualitatifs ou quantitatifs. Notre démarche s’apparente à celle de la recherche/action (BARBIER, 1996) 1, tandis que la méthode de calcul repose sur les méthodologie de décision multi-critères (ROY, 1985, 1993 2) (LE MOIGNE 3).

Une démarche collaborative

Un petit groupe paritaire d’avocats et magistrats s’est constitué en avril 2011, dans un cadre non institutionnel et non hiérarchique 4, même si les institutions respectives (Barreau/Tribunal) ont été informées du travail mené. Ce choix nous a préservé de la lourdeur propre aux démarches inter-institutionnelles et a favorisé la liberté intellectuelle des praticiens-concepteurs.

Ce groupe a commencé par l’étude des critères légaux et jurisprudentiels de la disparité. Notre ambition n’a pas été de modifier les jurisprudences actuelles, mais au contraire de les refléter dans toute la mesure du possible. Nous avons voulu tirer parti du meilleur des méthodes existantes, tout en refusant tout calcul qui ne résulterait ni des critères de la loi, ni des interprétations et règles définies par la cour de cassation. Les données qui doivent être recueillies correspondent aux critères légaux, c’est-à-dire aux éléments de disparité énoncés par l’article 271 du code civil, tels qu’ils ont été le cas échéant interprétés par la Cour de cassation.

Nous avons déterminé les critères qui nous paraissaient les plus importants, et cherché à organiser le recueil de ces données selon l’ordre qui s’impose dans la lettre et l’esprit des textes, puis pondéré les critères en fonction de ce que nous connaissons des jurisprudences en vigueur. Le tout a été formalisé dans un outil baptisé PilotePC. L’outil a été mis en ligne sur Internet, afin d’être utilisable gratuitement par les praticiens du droit (http://pilotepc.free.fr/).

PilotePC emprunte à l’analyse multi-critères les principes de recueil de données hétérogènes, de choix des critères pertinents, de pondération des critères, de hiérarchisation et d’agrégation. L’estimation repose sur le recueil hiérarchisé des critères caractéristiques de disparité tels qu’ils sont énoncés par l’article 271 du code civil, selon les précisions et interprétations apportées, le cas échéant, par la jurisprudence de la cour de cassation. Ces critères, les pondérations apportées, l’ordre de leur prise en compte ont été testés, corrigés, affinés par rapprochement aux appréciations habituellement faites par les praticiens, et en fonction des critiques et avis des praticiens. Cette méthode d’aide au calcul, basée sur la méthodologie multi-critères est mise à disposition sous forme d’un applicatif publié à l’adresse http://pilotepc.free.fr.

Les données immédiatement quantifiables en terme monétaire ou de temps sont recueillies en premier : revenus actuels de chaque époux, contributions ou charge d’enfant, revenus prévisibles, revenus potentiels du patrimoine, durée du mariage ou de la vie commune pendant le mariage, âge du créancier de la prestation compensatoire, nombre d’années sans cotisation retraite. Les autres éléments et données qualitatives sont recueillies en second : état de santé, expériences professionnelles etc.

La pondération des critères, le choix des coefficients et les règles d’agrégats ont été élaborés au terme du processus participatif mis en œuvre au sein du groupe de praticiens. Ils reposent donc principalement sur l’expérience professionnelle. Cependant, ont été mobilisés également les données documentaires existantes, l’étude de la jurisprudence et l’étude critique des méthodes et outils d’estimation actuellement utilisés par les praticiens.

La sensibilité des critères retenus a été testée en simulant le modèle pendant plus d’une année sur la base de cas pratiques. Les effets des changements dans l’ordre d’agrégation et dans les pondérations ont été évalués, en recherchant la conformité des résultats de PilotePC avec les pratiques professionnelles usuelles.

Le lecteur se reportera aisément à la présentation complète des données à recueillir, les pondérations et calculs opérés, le mode d’emploi de la méthode sur le site qui lui est dédié 5. En bref, la méthode se base sur la disparité de ressources et patrimoine des époux pondérée par la durée du mariage et de l’âge ; cette disparité est calculée sur la base des revenus actuels des époux, éventuellement pondéré par la charge d’enfants communs ou diminués du montant de la contribution aux frais d’éducation et d’entretien des enfants ; cependant, en cas d’évolution prévisible de la situation, celle-ci est prise en compte, et pondérée avec les revenus actuels ; les revenus actuels ou prévisibles du patrimoine peuvent être pris en compte à chacun de ces stades ; cependant, si les époux disposent de patrimoine ou droits patrimoniaux non producteurs de fruits et revenus au moment du divorce, la méthode permet de les prendre en compte. En outre, si l’un des époux n’a pas cotisé pour sa retraite pendant le mariage, la perte de ces droits à retraite justifiera une compensation dont le montant est agrégé au résultat final. Si l’un des époux demande que seule la durée de la vie commune après le mariage soit prise en compte, la méthode permet de ne prendre en compte que cette dernière durée. La méthode permet d’estimer la capacité de payer du débiteur de la prestation. Elle indique également le montant des versements périodiques, sur la base de versements mensuels pendant huit ans. Ces données permettent, avec la caractérisation finale d’éléments subjectifs et personnels, tel l’état de santé, de moduler le montant préconisé par l’outil.

L’utilisateur conserve la main sur le résultat final, avec possibilité de motiver cette estimation par un texte libre.

une évaluation et  validation par les praticiens

PilotePC est un outil d’aide à la décision utilisant la méthodologie multi-critère, destiné à aider les avocats et les magistrats à fixer, en application de l’article 270 du code civil, le montant de la prestation compensatoire que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre pour compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.

Traditionnellement, la méthode multi critère constitue un outil de négociation utile aux débats entre les acteurs. Telle est la possibilité que favorise PilotePC, lorsque la méthode est utilisée par les avocats, dans la phase de négociations préalable.

Au stade du jugement, PiotePC peut constituer un outil pour les avocats afin d’estimer de manière la plus rigoureuse possible les demandes ou offres de prestation compensatoire et motiver celles-ci. Pour le juge, PilotePC peut constituer une aide pour estimer le montant de la prestation compensatoire qui sera ou non accordée, en veillant à la cohérence de sa jurisprudence.

En tant qu’outil collaboratif et participatif, PilotePC est destiné à évoluer en fonction des critiques et avis des utilisateurs. Les présentations faites lors de formations destinées aux avocats et magistrats ont permis d’améliorer l’ergonomie de l’outil et de rectifier certaines pondérations. 

1René Barbier, La recherche-action, ECONOMICA ( coll.Anthropos) 1996

2Bernard ROY, Méthodologie multicritère d’aide à la décision, Ed. Economica, 1985, Aide multicritère à la décision : méthodes et cas. Auteur: Roy, Bernard; Bouyssou, Denis, Ed. Economica, 1993

3 Jean-Louis LE MOIGNE, La modélisation des systèmes complexes, Dunod 1999

4 Jean-Claude Bardout, Sylvie Truche, magistrats ; Isabelle Lorthios, Nathalie Dupont, avocats