23 Sep

comment compenser la disparité des droits à la retraite des époux ?

mariageCOMPENSER LA DISPARITÉ EN MATIÈRE DE DROITS À LA RETRAITE ?

Lorsque les époux sont retraités au jour où est prononcé leur divorce, il suffit de comparer le montant total des pensions de retraite de chacun des époux, auxquels s’ajoutent éventuellement d’autres revenus mobiliers, fonciers, salariaux ou d’activité, pour estimer la disparité existante entre les époux au moment du divorce. Dans ce cas, la disparité des droits à la retraite s’apprécie et se répare comme en matière de disparité actuelle de revenus.

Mais comment faire lorsque le conjoint créancier de la prestation compensatoire n’a pas atteint l’âge de faire valoir ses droits à la retraite mais déclare qu’il ou elle a perdu plusieurs années de cotisation parce qu’il ou elle n’a pas travaillé pendant plusieurs années au cours du mariage. La disparité n’est que prévisible. Il s’agit à ce stade d’une disparité des droits. Comment évaluer cette disparité ?

Trois méthodes au moins peuvent être envisagées :

1) la méthode d’estimation par le coût de rachat des droits ;

2) l’évaluation de la perte de revenus prévisibles du conjoint divorcé créancier au moment de la retraite par rapport au niveau de revenus dont ce conjoint aurait bénéficié à la retraite du fait du mariage ;

3) l’estimation des économies faites ou des investissements réalisés par le couple au cours du mariage grâce aux cotisations de retraites non versées.

première méthode : le rachat de trimestres et de cotisations

Une première méthode pour évaluer le montant de la compensation due au titre de la disparité créée par le divorce en matière de retraite consiste à estimer le coût que représenterait le rachat des cotisations et trimestres perdus.

Le coût de rachat d’une année de cotisation est déterminé par la loi portant réforme des retraites 1 qui permet des versements au titre des années d’études supérieures et des années incomplètes. La loi autorise le rachat de 12 trimestres. Ces rachats permettent d’augmenter le montant de la retraite et/ou même de partir plus tôt. Le cout du rachat d’un trimestre varie varie en fonction de l’âge du demandeur et de ses revenus. Chaque trimestre peut être racheté au titre du taux seulement ou au titre du taux et de la durée d’assurance. Le rachat du taux atténue la décote, mais n’a pas d’effet sur le nombre de trimestres.

Le coût du rachat est déterminé par un barème, en fonction de l’âge de l’assuré, de l’option choisie (taux seul ou taux et trimestres), de la proportion retenue en fonction du plafond de la sécurité sociale (trois possibilités de <0,75 à >1) et d’une majoration selon la génération de l’assuré. Le coût augmente fortement en fonction de l’âge auquel le rachat est fait.

Si l’on retenait cette première méthode d’évaluation pour fixer le montant de la compensation due par un époux à l’autre au moment du divorce, pour réparer la disparité en matière de droit à la retraite causée par la rupture du mariage, de quel montant pourrait être cette compensation ? Elle pourrait être de la moitié du coût du rachat. Car si le couple a vécu pendant le mariage en faisant l’économie des cotisations retraite de l’un de ses membre, cette économie a, d’une manière ou d’une autre, profité aux deux époux, sous forme d’amélioration du niveau de vie du couple et/ou de constitution d’un capital mobilier ou immobilier. Chaque époux en a profité pendant le mariage par l’augmentation du niveau de vie du couple et/ou recevra la moitié des économies réalisées au cours de la liquidation partage. Il est logique que l’époux qui a régulièrement cotisé pour sa retraite ne perçoive pas la moitié de cette somme, qui doit logiquement revenir, en entier, au conjoint qui n’a pas cotisé. Celui des époux dont les droits à la retraite ont été sacrifié doit donc recevoir la totalité des droits économisés, la moitié lors des opérations de liquidation partage, l’autre moitié sous forme de prestation compensatoire. L’indemnisation, pour réparer cette disparité, doit donc être de la moitié du coût du rachat.

Ceux qui ont tenté se simuler leur situation pour envisager le rachat de trimestres le savent : le rachat est financièrement envisageable lorsque l’on est jeune. Il est prohibitif lorsque l’on avance en âge. Cette première méthode d’estimation, qui avait l’avantage de reposer sur un barème légal, a été abandonnée car elle dépasse la capacité de payer du débiteur ou aboutit à un montant disproportionné. Sauf cas d’espèce, cette méthode ne remplit pas l’objectif de réparer, « autant qu’il est possible » la disparité en matière de droits à la retraite.

seconde méthode : estimer la perte de revenus causée par le divorce au moment de la retraite

La seconde méthode théoriquement envisageable consiste à évaluer la perte prévisible de revenus d’un conjoint, au moment où il prendra sa retraite, par rapport aux revenus dont il aurait pu profiter, s’il était resté marié. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de calculer la perte prévisible de revenus d’un conjoint lorsqu’il sera retraité par rapport au revenu qu’il perçoit actuellement en activité, car cette baisse n’est pas causée par la rupture du mariage.

Il ne s’agit pas non plus de comparer le montant prévisible de la retraite qu’un conjoint aurait pu percevoir au terme d’une carrière non interrompue par rapport au montant de la retraite qui sera réellement perçue compte tenu des périodes non cotisées, car cette différence ne rend pas compte de la disparité causée par le divorce. En effet, sans le divorce, l’époux qui a le moins cotisé aurait bénéficié de la retraite du conjoint qui a cotisé pleinement.

Il s’agit d’estimer la perte de revenus causée par la rupture du mariage pour l’époux qui réclame une prestation compensatoire en comparant le niveau de vie qu’il aurait pu avoir en restant marié (grâce aux retraites cumulées des époux) et le niveau de vie qu’il aura étant divorcé (en ne percevant que la plus faible des deux retraites).

Faisons grâce au lecteur des calculs faits pour simuler les résultats de cette seconde méthode. Si le conjoint qui réclame la prestation compensatoire est l’épouse, on devra prendre en compte l’espérance moyenne de vie d’une femme en France (en 2011, à l’âge de 60 ans, celle-ci était de 27 ans2) pour calculer l’indemnisation totale qu’il faudra pondérer en fonction du nombre d’année du mariage. Compte tenu de ce qu’il faut cotiser actuellement 41,5 années pour disposer d’une retraite à taux plein, la pondération par année de mariage serait de 1 / 41,5 = 0,024. Le montant de la compensation par année non cotisée pendant le mariage pourrait être estimé selon la formule suivante : { [(retraite annuelle mari – retraite annuelle épouse)/2]*12} * (27*0,024).

Cependant ce calcul ne tient pas compte de l’impact fiscal, qui remplit un rôle redistributif, en ponctionnant plus fortement les revenus élevés que les revenus faibles, ni de la déductibilité limitées de la prestation sur les impôts de celui qui paye la prestation (réduction d’impôt limitée à 7 615 € pour le débiteur), ni de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées qui assure un complément de revenu dans les conditions que nous avons rappelées. La difficulté née de la méconnaissance par le juge de l’impact fiscal et social de ces divers mécanismes rend la mise en oeuvre cette seconde méthode basée sur la perte prévisible de niveau de vie lors de la retraite particulièrement complexe. Ce qui nous conduit à envisager une troisième méthode.

troisième méthode : l’indemnisation des cotisations non versées

La troisième méthode pour évaluer le montant de la compensation due au titre de la disparité créée par la rupture du mariage en matière de retraite consiste à estimer les économies faites par le couple du fait du non versement de cotisations retraite de l’un des époux, que ce soit aux cotisations obligations du régime de la sécurité sociale ou aux cotisations à l’assurance volontaire des personnes chargées de famille 3 aux cotisations volontaires à un fond d’assurance privé, complémentaire, assurance vie ou autre. En effet, le montant des cotisations économisées par le couple a pu être investi dans une épargne mobilière ou un ou des investissements immobiliers et il serait injuste que l’époux sur le dos duquel ces économies ont été faites ne récupère que la moitié de cette épargne ou de cet investissement, comme le lui permettra le partage du patrimoine commun ou indivis, tandis que le conjoint qui bénéficie de ses droits entiers à la retraite bénéficierait en outre de la moitié de ces placements ou investissements. La disparité crée par le divorce du fait de droits moindres à la retraite serait donc indemnisée, par cette méthode d’estimation, à hauteur de la moitié des droits économisés (l’autre moitié revenant, en tout état de cause, à ce conjoint du fait du partage).

Le taux de cotisation salarié tourne autour de 17 % du revenu salarié. Les cotisations versées pour la retraite correspondent donc à environ 17 % du salaire net. Pour obtenir le montant total des cotisations perdues par un époux, on multipliera :

– le montant moyen des revenus de l’époux concerné avant et après la période non cotisée

– par le nombre de mois ou d’année concerné

– par 0,17.

De quel montant devra être l’indemnisation pour la perte de droit à la retraite causé par la non cotisation pendant une année ? Cette indemnisation devra être de la moitié de la somme représentant la non cotisation cumulée. Il convient donc d’appliquer le taux de 0,17/2 = 0,085.

quelques exemples pour estimer la compensation due en cas de disparité des droits à la retraite

Prenons le cas d’une épouse dont le revenu mensuel avant la cessation de travail pendant le mariage était de 1 369 € avant d’interrompre son activité professionnelle, pendant le mariage, pour élever les enfants ou favoriser la carrière professionnelle de son mari, le montant mensuel de la cotisation perdue serait de 232,73 €, soit un montant annuel de 2 793 €. La compensation serait donc de la moitié, c’est-à-dire de 1 396 € par année non travaillée.

Envisageons le cas d’un mari qui interromps son activité pendant plusieurs années pendant le mariage, pour élever les enfants, pendant que son épouse continue une carrière très prenante. Son revenu mensuel de avant la cessation de travail était de 1 817 €. Le montant mensuel de la cotisation perdue serait donc, sur la base de 17%, de 308,89 €, soit un montant annuel de 3 707 €. La compensation sera donc de la moitié soit 1 853 € par année non travaillée.

Prenons enfin le cas d’une épouse dont le revenu mensuel avant la cessation de travail était de 3 950 €. Le montant mensuel de la cotisation perdue est donc de 671,50 €, soit un montant annuel de 8 058 €. La compensation sera donc de la moitié soit 4 029 € par année non travaillée.

Cette troisième méthode se base sur l’économie réalisée par le couple pendant le mariage du fait de l’absence de cotisation retraite. Elle permet de calculer le coût d’une année de cotisation, en multipliant le montant du revenu perçu avant l’interruption du travail par le taux moyen de cotisation retraite (17%). C’est cette troisième méthode que nous avons adopté dans PilotePC, notre outil pour estimer le montant de la prestation compensatoire. La formule de calcul intégrée dans PilotePC est donc :

(revenu net annuel antérieur à la cessation de travail * 0,085 * nombre d’années d’interruption de travail) / 2

Pour une estimation réalisée mentalement, sans l’aide de PilotePC, dans la mesure où le coefficient 0,085 est proche de la proportion d’un douzième (0,083), il est possible de multiplier simplement le nombre d’année d’interruption de travail par le montant mensuel du revenu net antérieur à la cessation du travail, divisé par deux :

(revenu net mensuel antérieur à la cessation de travail * nombre d’années d’interruption de travail) / 2

Conclusion :

Le droit au divorce ne serait qu’un droit formel inaccessible s’il n’existait la possibilité d’une compensation financière pour réparer la disparité de situation crée par la rupture d’un équilibre matrimonial construit par les époux pendant le mariage ; il le serait aussi, inaccessible, si cette compensation était fixée à un montant disproportionné par rapport aux capacités financières du débiteur.

Vieille institution controversée, la prestation compensatoire n’est plus la sanction punitive d’un divorce que la loi ne concédait qu’avec réticence. Elle n’est plus l’institution passéiste qui faisait perdurer la solidarité du couple après le divorce, faisant dépendre le sort de la femme divorcée à la fortune de son ex-mari. Aujourd’hui, des femmes se refusent à la réclamer, même si elles y seraient éligibles. Des hommes renoncent par principe à la demander, même si leur situation les y autoriserait. L’institution est « genrée », plus par sa perception culturelle, que par son libellé juridique. Elle répond cependant encore à des réalités économiques objectives : le montant moyen de la retraite des hommes en France est de 1 588 €, celle des femmes est de 1 102 €.

Il est donc légitime qu’existe une compensation pour celui des époux qui n’a pas cotisé pendant quelques années au cours du mariage parce qu’il ou elle a cessé ses activités professionnelles pour éduquer et élever les enfants du couple. Certes, la disparité en matière de droit à la retraite n’est pas le seul facteur de disparité au moment du divorce. Une prestation compensatoire peut se justifier même s’il n’existe pas de disparité de droit à la retraite. L’outil d’aide PilotePC, qui permet d’estimer le montant de la prestation compensatoire qui peut être sollicitée, offerte ou décidée en cas de disparité crée par le divorce, prend en compte les différents critères de la disparité, revenus actuels, revenus prévisibles, charges d’enfant et contributions, patrimoines, âge, durée du mariage ou du vif mariage, autres éléments personnels. Mais lorsque l’un des époux n’a pas cotisé pour sa retraite pendant tout ou partie du mariage parce qu’il a élevé les enfants ou s’est sacrifié au profit de la carrière de son conjoint, cette disparité spécifique doit être prise en compte et doit être réparée « autant que possible ». C’est pourquoi toute méthode d’évaluation du montant de la prestation compensatoire se doit de permettre d’évaluer cette disparité en matière de droits à la retraite en proposant une compensation chiffrée, qui puisse aider les avocats à formuler leur prétention ou proposition et le juge à fixer le montant de la prestation qui comprendra cette indemnisation spécifique. A cette fin, les auteurs de PilotePC, après avoir étudié trois méthodes théoriquement envisageable, ont retenu la méthode d’évaluation par l’économie réalisée du fait de l’absence de cotisation. Cette méthode est l’un des nombreux éléments pris en compte par PilotePC, lorsque le cas d’espèce le justifie, et sous réserve de l’appréciation souveraine des praticiens.

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— notes de l’article

1 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites

2 Insee, Bilan démographique et Situation démographique; http://www.ined.fr/fr/france/mortalite_causes_deces/esperance_vie/

3 Art. L.742-1, 2° du code de la sécurité sociale (CSS)