le partage des retraites : une alternative à la prestation compensatoire ?
LE PARTAGE DES RETRAITES : UNE ALTERNATIVE A LA PRESTATION COMPENSATOIRE ?
Doit-on adopter, comme en Allemagne, le principe du partage des retraites entre l’époux ? Ce serait le système le plus équitable. Ce serait le plus logique lorsque, au sein d’un couple marié, seul l’un d’eux a régulièrement cotisé et validé ses trimestres, alors que l’autre a interrompu sa carrière et pris soin des enfants.
Le Conseil d’orientation des retraites, dans sa Séance plénière du 27 juin 2007 à 9 h 30, a étudié les systèmes de partage des pensions en œuvre dans plusieurs pays étrangers. Il a évalué les conséquences qu’auraient en France, pour les époux et les caisses de retraite, le passage de l’actuel système de réversion (au profit du conjoint survivant même divorcé) à un futur système du partage des droits à pensions (au sein du couple marié ou non, avant et après séparation, selon les options).
Le partage des retraites ou partage des droits à la retraite consiste à totaliser les droits à retraite acquis par les époux pendant la durée du mariage et de partager ces droits en deux parts égales. Cette option constitue une piste d’autant plus sérieuse qu’elle présente l’avantage d’établir une égalité au sein du couple tout en permettant une économie aux régimes de retraite. Le système actuel de réversion opère en effet un transfert financier des cotisants des célibataires au profit des cotisants mariés ou divorcés, transfert qui n’est évité par les régimes complémentaires non obligatoires qu’en cas de réduction des pensions servies au cas où le cotisant opte en faveur de la réversion en faveur de son conjoint.
un projet de loi en faveur du partage des retraites
Le 13 juin 2013, Mme Claude GREFF, députée, a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi en ce sans, tendant à « partager les droits à la retraite entre ex-conjoints divorcés en faveur du parent au foyer ».
Ce projet est motivé ainsi : « À la suite d’un divorce et lorsqu’elles parviennent à l’âge de la retraite, de nombreuses femmes se trouvent dans une situation économique difficile, en particulier si elles n’ont pas exercé d’activité professionnelle, ou l’ont interrompue pour élever leurs enfants. Les droits à la retraite des mères de familles sont, en effet, très limités : il s’agit des droits acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer, à condition que les ressources du ménage ne dépassent pas un certain plafond, ou bien après une adhésion volontaire à titre onéreux. Dans les deux cas, les droits qui en découlent sont généralement très insuffisants. »
Concernant la prestation compensatoire, Mme Claude GREFF, précise : « Au moment du divorce, les biens du couple sont partagés et une prestation compensatoire peut être fixée par le juge, mais il n’y a pas de partage systématique des droits à la retraite acquis par l’un des conjoints. En effet, l’article 271 du code civil dispose simplement que le juge lorsqu’il fixe la prestation compensatoire prend en considération, avec d’autres éléments, la situation respective des ex-époux en matière de pension de retraite.
Cette possibilité ouverte au juge s’avère, dans les faits, insuffisante à garantir un véritable partage des droits à la retraite qui viendrait compenser le fait que l’un des conjoints n’a pas exercé, ou a cessé d’exercer pendant la durée du mariage une activité professionnelle pour s’occuper de l’éducation des enfants du couple. Cette proposition de loi vise donc à rendre le partage des droits personnels à la retraite des conjoints obligatoire dès lors que l’un des ex-conjoints s’est trouvé dans cette situation. »
Suit un article unique, qui a été renvoyé à la commission des affaires sociales : L’article 271 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où l’un des conjoints n’a pas exercé d’activité professionnelle pendant la durée du mariage, ou l’a interrompue, pour assurer l’éducation des enfants, le juge lui attribue une fraction des pensions à la retraite acquises par son conjoint.
Cette fraction de la pension porte sur les droits personnels acquis dans les régimes de base et les régimes complémentaires auxquels l’assuré était affilié pendant le mariage.
Elle est calculée en tenant compte de la durée de mariage et de celle de la période d’inactivité professionnelle liée à l’éducation des enfants. Le partage de la pension prend effet au moment de la liquidation des pensions jusqu’au décès de l’un des conjoints. »
compenser la disparité en l’absence de partage légal des retraites
En attendant cette éventuelle réforme, qui instaurera le partage des retraites, comment procède le juge dans le cadre législatif et jurisprudentiel existant ?
Doit-on regretter l’actuel pouvoir souverain d’appréciation du juge qui confinerait à l’arbitraire ? Ou faut-il relever au contraire les limites de cet exercice qui réduit l’office du juge à un mirage en matière de disparité des droits à la retraite ? L’office du juge est d’abord limité par les positions et prétentions respectives des parties. Si 17 % seulement des divorces donnent lieu à prestation compensatoire c’est d’abord parce que seuls une minorité de conjoints réclament une telle prestation. C’est ensuite que qu’une partie des conjoints ne pourront pas payer une telle prestation, l’exemple type étant celui d’un ménage où l’un des époux a travaillé en tant qu’ouvrier ou employé non qualifié et l’autre a élevé les enfants ?
La retraite prévisible permettra de faire vivre modestement un couple, mais la moitié de cette retraite sera en deçà des minimums sociaux et ne permettra de faire vivre ni l’un ni l’autre. C’est encore parque le juge n’a que peu d’indications sur le montant prévisible de la retraite de chacun des époux. Il n’a pas ces indications car les parties elles-même ne les ont pas. La complexité du système est telle, entre les retraites de base de la sécurité sociale, l’assurance vieillesse des parents au foyer soumis à condition, le mode complexe de calcul en cas de passage d’un régime à l’autre, l’assurance de solidarité des personnes âgées (ex minimum vieillesse), les régimes de retraite complémentaire, les divers systèmes d’épargnes retraite et de capitalisation, qu’il est difficile de connaître la situation prévisible avant l’ouverture et la liquidation concrète des droits. Comme l’indique le rapporteur d’un rapport d’information déposé à l’assemblée nationale le 14 mai 2003 à propos de la seule épargne retraite : « l’énumération des dispositifs existants démontre à elle seule la complexité d’un échafaudage créé par accumulation de strates successives et non coordonnées. »
Le juge est tenu non seulement par la loi qui fait de la disparité en matière de droits à la retraite l’un des critères de la disparité, sans préciser comment calculer la compensation ni évaluer cette disparité
Le législateur a modifié l’art. L. 161-17 CSS en y ajoutant cinq alinéas dont le second permettant à tout assuré de plus de quarante-cinq ans de demander à sa caisse de retraite un « entretien portant notamment sur les droits qu’ils se seront constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les perspectives d’évolution de ces droits, compte tenu des choix et des aléas de carrière éventuels, […]. Lors de cet entretien, l’assuré se voit communiquer des simulations du montant potentiel de sa future pension, selon qu’il décide de partir en retraite à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite mentionné à l’art. L. 161-17-2 ou à l’âge du taux plein mentionné au 1° de l’art. L. 351-8. Ces simulations sont réalisées […] sur la base d’hypothèses économiques et d’évolution salariale fixées chaque année par le groupement d’intérêt public mentionné au neuvième alinéa du présent article. Les informations et données transmises aux assurés lors de l’entretien n’engagent pas la responsabilité des organismes et services en charge de les délivrer. […] Cette estimation est effectuée quel que soit l’âge de l’assuré si celui-ci est engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps
Selon l’article L161-17 du code de la sécurité sociale, modifié par les lois du 9 novembre 2010 et du 17 mai 2011 : « Dans des conditions fixées par décret, à partir d’un certain âge et selon une périodicité déterminée par le décret susmentionné, chaque personne reçoit, d’un des régimes auquel elle est ou a été affiliée, une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite auxquelles les durées d’assurance, de services ou les points qu’elle totalise lui donnent droit, à la date à laquelle la liquidation pourra intervenir, eu égard aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur. Cette estimation indicative globale est accompagnée d’une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1. Cette estimation est effectuée quel que soit l’âge de l’assuré si celui-ci est engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps. »
les méthodes de calcul envisageables
Le juge peut-il cumuler les droits à la retraite acquis par les conjoints pendant le mariage et les diviser en deux, afin de compenser la disparité ?
Techniquement, il faudrait capitaliser les droits de chacun des conjoints selon leurs espérances de vie respectives. Pratiquement, il n’est pas du tout certain que le conjoint débiteur soit capable de débourser le capital représentatif des droits partagés à pension. D’ailleurs, cette solution ne serait envisageable qu’en cas d’absence de réversion (la réversion est en effet soumise à condition de ressources). En cas de réversion, la prestation ainsi calculée excéderait la compensation de la disparité. En outre, il faut tenir compte des mécanismes de solidarité (ASPA, AVPF) et des régimes complémentaires, de capitalisation, et du capital constitué par les époux à cet effet. Dans les faits, le juge ne dispose que rarement, si ce n’est jamais, d’une situation prévisible complète et fiable des ressources des époux après l’ouverture de leurs droits à la retraite (dont la date n’est pas certaine) tant sont nombreux les facteurs qui entrent en compte dans cette situation.
Nous en sommes donc bien à une appréciation globale de la disparité, afin de déterminer, forfaitairement, de manière globale, une somme destinée à réparer, autant que faire se peut, une disparité dont nous n’aurons qu’une estimation incomplète et incertaine. La prestation compensatoire n’est pas une prestation partage, ni une prestation réparatrice. Elle est une compensation, dans les limites de ce qui paraît possible. Insatisfaisante, elle existe faute de mieux. Mais son objectif social ne peut être nié, ni son fondement basé sur l’équité. Elle est utile et nécessaire.
Avisé des limites de l’exercice, le juge se détermine en fonction de l’équité. Et faute de pouvoir se baser sur des éléments suffisamment fiables, précis et incontestés quant à la situation future des époux à la retraite, le juge qui fixe le montant de la prestation compensatoire doit au moins reposer sur un traitement équitable de deux situations identiques, car sinon la décision sera incomprise, entachée d’un sentiment d’injustice dû au traitement inégal de situations semblables.
C’est dans ce cadre que le code civil fait de la disparité en matière de droits à la retraite de chacun des époux, au moment du divorce, un des éléments d’appréciation de la disparité, qui ouvre droit à une prestation compensatoire. C’est pourquoi PilotePC permet d’intégrer cette disparité en matière de droits à la retraite entre époux, dans l’appréciation globale de la disparité, lorsque l’un des conjoint n’a pas cotisé pour sa retraite pendant tout ou partie de la vie commune pendant le mariage, pour se consacrer à l’éducation des enfants et ou aider son conjoint dans sa propre carrière professionnelle. Parmi les différentes méthodes d’estimation possible PilotePC a retenu celle qui est apparue équitable, fondée sur l’estimation des cotisations retraites non versées.
cf l’article consacré à l’indemnisation de la disparité en matière de droits à la retraite.
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Je suis extrêmement choqué lorsque vous parlez de partage des droits à la retraite car aux termes de l’article 1404 du code civil, ce sont des biens propres: solution plusieurs fois donnée par la cour de cassation.
Il s’agit d’une assurance vieillesse personnelle, la même, que l’on soit célibataire ou marié.
Si l’on devait potentiellement perdre une partie de ses propres droits à la retraite pour avoir épousé quelqu’un de moins qualifié que soi, il faudrait le dire avant le mariage et non pas après. C’est une question de confiance entre le citoyen et l’état.
Personnellement si on m’avait dit que je perdrais ma retraite à cause d’une séparation, jamais je ne me serais marié.
Le conjoint le plus qualifié professionnellement le plus qualifié est déjà largement perdant par le truchement de la communauté réduite aux acquêts puisqu’il récupère moins que ce qu’il a apporté.
Il y a des limites à la spoliation que l’on peut imposer aux gens sous prétexte d’avoir été marié. Ce serait inadmissible. Cela transformerait le mariage en une entreprise systématique de spoliation d’un des conjoints sur le dos de l’autre: inutile de passer concours et diplômes, un bon mariage suffirait à vous assurer une bonne retraite par spoliation de l’autre. Le cas échéant vous pourriez obtenir un taux de remplacement superieur à 100 % sur le dos de celui qui s’est décarcassé pendant sa jeunesse pour obtenir avant même le mariage qualifications professionnelles et diplômes. Et la moralité dans tout cela ?
Le partage égal des droits acquis pendant le mariage reviendrait à dire que ce seraient des biens communs: ces biens propres deviendraient des biens communs au moment du divorce. Mais alors quid des autres biens propres ? Il faudrait aussi non seulement partager les héritages perçus mais également accorder à chaque conjoint une partie de la vocation successorale de l’autre. En fait, il faudrait partager tous les biens propres quel que soit le moment où ils ont été obtenus.
De plus votre approche va à l’encontre de l’esprit de la réforme du divorce de 2004 puisqu’elle revient à transformer la prestation compensatoire en une rente viagère payable au moment d’un départ en retraite qui pourra se faire plusieurs décennies après le divorce donc dans un avenir par definition non prévisible.
Elle va aussi à l’encontre de l’article 271 du code civil qui, dans son dernier alinéa conditionne une compensation sur les droits à un sacrifice de carrière pour la carrière de l’autre ou pour les enfants.
De plus l’immense majorité des hommes seront perdants alors qu’il est juste et équitable que les droits a la retraite soient différents lorsque les qualifications professionnelles sont différentes puisqu’ils ont vocation à se substituer à un bien propre fondamental: la force de travail.
Les hommes tombés dans le piège du mariage seront ravis d’apprendre que rétroactivement leurs droits à la retraitre ne leur appartiennent plus. Bonjour l’ambiance dans les « chaumières ».